Deux ans après son prix Nobel de littérature qui a fait la fierté de toute la Chine, j’ai finalement lu Mo Yan.
Mo Yan, de son vrai nom Guan Moye, est donc un écrivain chinois contemporain. Il est né dans une famille paysanne de Gaomi, de la province du Shandong, et c’est cet environnement que décrit la plupart de ses romans. Il aurait déclaré, à propos de Beaux Seins, Belles Fesses : « Si vous le souhaitez, vous pouvez sauter mes autres romans, mais vous devez lire Beaux Seins, Belles Fesses. Dans celui-ci, j’ai écrit sur l’histoire, la guerre, la politique, la faim, la religion, l’amour et le sexe. » C’est donc par celui-ci que j’ai commencé, et je garantis qu’on y trouve bien tous ces ingrédients.
Shangguan Lushi donne naissance, dans la province du Shandong, à neuf enfants dont un seul garçon, Jintong, Enfant d’Or. Ce dernier est un obsédé surdoué. Narrateur de cette vaste fresque de la société rurale, son attachement immodéré et obsessionnel au sein maternel l’entraîne dans des situations tragiques et burlesques.
Les destins du garçon et de ses huit soeurs sont irrésistiblement liés aux aléas de l’histoire de la Chine au XXe siècle : de la résistance anti-japonaise à la révolution maoïste, du Grand Bond en avant au néo-capitalisme sauvage.
Après ses grands romans, Les Treize Pas et Le Pays de l’alcool, la publication de Beaux Seins, belles fesses confirme de manière éclatante le génie singulier de Mo Yan.
Beaux seins, belles fesses est une saga épique qui reprend toute l’histoire de la Chine du XXe siècle à travers de celle de la famille des Shangguan, et plus spécifiquement de Jintong, le héros, ou plutôt anti-héros de ce roman. Anti-héros car Jintong, au milieu des grands bouleversements de cette période, qui dans les livres, se traduit généralement par de beaux gestes héroïques, passe son temps à se cacher derrière les jupons de sa mère et ses sœurs. En effet, à une époque où avoir un fils était le désir de toute femme, il fallut attendre le 8e essai pour que la mère de Jintong enfante enfin d’un fils. Ce fils tant désiré sera donc couvé par toute la famille, entraînant un manque de virilité flagrant, incarné par l’obsession pour les seins de Jintong. Ce dernier ne sera sevré que très tardivement, à l’orée de l’âge adulte, avec de nombreuses rechutes, et tous les événements de sa vie se révéleront par les seins des femmes qui l’entourent.
Ceci donne un regard particulier sur cette période de la Chine, où japonais, nationalistes, communistes, capitalistes, etc. seront tous mis dans un même panier, et leurs invasions successives seront toutes vécues comme des drames par les villageois, et pour Jintong, comme des empêcheurs de satisfaire son obsession des seins.
L’histoire étant racontée en grande partie par Jintong, avec toutes ses névroses et superstitions, cela donne une voix particulière au roman, qui m’aura donné un peu les mêmes impressions que Cent ans de solitude. On y trouve des passages très crus, et d’autres complètements délirants et mystiques. Les remous du XXe siècle marqueront toute la vie de Jintong, et généralement de manière violente, et pourtant, j’aurai souvent eu l’impression qu’ils n’étaient qu’un arrière-plan à ses angoisses et sa monomanie du sein.
C’est un livre dont je suis ressortie un peu sonnée, et qu’il m’aura fallu un peu de temps à digérer. Ce que j’ai toujours considéré comme une très bonne chose.
Tu me donnes vraiment envie de lire ce roman ! Je le note immédiatement.
Il y a certains passages où je me suis franchement demandée ce qui passait par la tête de l’auteur, mais oui, c’est une lecture intéressante (après tout, ce n’est pas pour rien j’imagine qu’il a eu le Nobel).