Pardon pour le titre en anglais, mais c’est la langue dans laquelle j’ai lu ce livre, et donc dans laquelle je lui associe ce titre. En français, cela donne : La Fabrique des femmes. Du village à l’usine : deux jeunes chinoises racontent.
Débutons par la quatrième de couverture :
Comme cent trente millions de Chinois, Min et Chunming sont « travailleuses migrantes ». Pendant trois ans, la journaliste Leslie T. Chang a suivi ces deux gamines débarquées de leur campagne pour travailler à Dongguan, mégalopole industrielle du delta de la rivière des Perles. Reportage, journal intime, mais surtout plongée dans le monde des « cités-usines » tentaculaires vues à travers les yeux des ouvrières. Des conditions de vie brutales, des journées harassantes pour une centaine de yuans par mois, une extrême solitude, mais aussi la conquête éperdue d’opportunités que la vie au village n’aurait jamais pu leur offrir : elles apprennent l’anglais avec la « Méthode d’apprentissage à la chaîne de M. Wu », recopient frénétiquement des listes, des douze principes moraux de Benjamin Franklin aux cinq règles d’or pour appliquer de l’ombre à paupières. L’ambition, la ténacité, la soif de liberté, la volonté forcenée de se réinventer animent ces « émigrées de l’intérieur », à l’image de la Chine tout entière, emportée au rythme d’immenses migrations qui sous-tendent son histoire – et, en contrepoint, celle, emblématique, de la famille de Leslie T Chang…
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C’est un livre que j’ai beaucoup apprécié. Comme indiqué ci-dessus, il parle de travailleurs, ou plutôt de travailleuses migrantes. En Chine, ils sont partout, sur tous les chantiers, dans les restaurants, salons de coiffure, etc. Ce sont eux qui remplissent les nombreuses usines qui fournissent le monde, et qui lui font aussi si peur. Ce sont eux les petites mains qui font tourner la machines économique chinoise. Ils sont partout, mais si transparents aussi. A force, on n’y prête plus tellement attention. Et pourtant, il y aurait énormément de choses à raconter à leur sujet, et c’est ce qu’entreprend l’auteur.
Elle a effectué un véritable travail d’investigation. A suivi certaines de ces filles sur plusieurs années, et a pu voir leur vie et leur évolution. Elle a pu observer du premier plan la dureté du labeur d’ouvrière, mais aussi toutes les espérances que ça apportait, et le bouleversement familial que représente cette migration.
En effet, ce que j’ai surtout retenu de ce livre, c’est que toutes ces jeunes filles partent, remplies de rêves, dans l’espoir de changer de vie, de se faire une place au soleil (surtout qu’il n’y a pas grand-chose à faire dans leurs campagnes natales). La vie est dure pour une jeune fille, souvent pas encore majeure, qui débarque dans ces villes tentaculaires et anonymes. Beaucoup triment, se font piéger (prostitution), pour tenter de mettre un peu d’argent de côté. Mais pour beaucoup, cela représente aussi un changement radical de vie, et il est impossible de revenir en arrière. Elles arrivent peu à peu à s’élever dans la hiérarchie, se trouvent des maris qui ne provienne pas de leur village natal (contrairement à l’avis de leurs parents), et surtout, ce sont elles qui envoient de l’argent dans leurs familles, renversant ainsi l’équilibre du pouvoir familiale. L’usine et la ville représentent pour elles une première étape vers une vie plus moderne, qu’elles espèrent meilleures. Et malgré tous les déboires qu’elles peuvent rencontrer en chemin, elles gardent l’espoir. L’auteur ne s’attarde pas tant sur les côtés durs, et même malsains du travail en usine (elle l’évoque, forcément), mais essaie de comprendre ces jeunes filles. Et j’ai vraiment été marqué par le fait que pour elles, ce que nous, de notre œil d’occidental chanceux, pouvons trouver horrible, représente une véritable occasion de prendre leur indépendance vis à vis du carcan que la société traditionnelle peut imposer aux femmes, et une occasion de se créer une nouvelle vie. Occasion qu’elles empoignent à bras le corps.
J’ai moi-même effectué un stage ouvrier dans une usine à Shanghai. Il s’agissait d’une usine d’une marque étrangère, qui fabrique des produits électroniques. L’usine était belle, moderne, correctement équipée, et tentait d’instaurer des conditions de travail « occidentalisées » (attention aux consignes de sécurité, condition de travail plutôt correctes, surtout comparées à d’autres usines que j’ai pu voir, etc.). J’ai eu un job plutôt tranquille, j’ai travaillé dans l’entrepôt, à fournir les différentes chaînes de production, ce qui était en fin de compte un travail plutôt tranquille, vu qu’il laissait quelques creux dans la journée. Et j’ai pu remarquer effectivement cette ardeur au travail, cette volonté de bien faire. Il y avait une « vieille » dans l’équipe, mais la plupart étaient des jeunes, qui voulaient travailler, pour gagner un maximum et mettre de l’argent de côté. Ils n’hésitaient pas à faire des heures supplémentaires, ne se plaignaient pas de leurs travail. Je n’ai pas vraiment parlé de leur futur en détail avec eux, mais on sentait qu’ils espéraient tous, par leur travail, se procurer une vie meilleure, ou du moins, une vie plus confortable. Malgré leur travail plutôt difficile (ils faisaient tous des heures supplémentaires le soir et le WE, ce qui leur laissait au final que peu de temps de repos), ça ne les empêchaient pas de profiter de leurs vies quand elles le pouvaient. On m’a invité au restaurant, offert des gâteries à manger tous les jours (je leur ai de mon côté apporté un gâteau au chocolat fait maison, pour les remercier), et j’ai toujours un bracelet que les ouvrières m’ont offertes quand je suis partie (bon, je reconnais, ils n’ont pas souvent du voir de petites occidentales venir travailler au milieu d’eux, ce qui aide à se faire chouchouter. D’ailleurs, je crois qu’ils n’ont toujours pas bien compris pourquoi j’étais venue là, travailler au milieu d’eux, et ont dû prendre ça pour une excentricité d’occidentale). Je ne suis restée qu’un mois là-bas, ce qui est bien court pour prendre vraiment le pouls de leurs vies. Je les admire pour le travail qu’elles font (elles, parce que oui, la population en usine est principalement féminine), j’en serais bien incapable. Et je les admire pour voir qu’elles ne se laissent pas abattre par ce genre de vie.
J’ai retrouvé dans ce livre certains des aspects de ce que j’ai vécu en usine, j’ai découvert aussi de nombreuses autres choses, l’auteur ayant étudié sont sujet bien plus longtemps que moi. Ça m’a a moi aussi redonné un peu d’espoir, de voir que malgré les conditions de travail qui peuvent ressembler fort à de l’exploitation, toutes ses jeunes filles continuent de se battre, afin de changer leurs vies. Je les trouve toutes formidablement courageuses, et ça m’a fait prendre du recul sur ma propre vie, en fin de compte bien protégée.
Il a l’air vraiment bien ce livre. Est-ce que tu pourras le glisser dans ta valise quand tu passeras en France ;-)?
Malheureusement, je ne le possède pas. C’est quelqu’un qui me l’avait prêté.
ah bah c’est malin, je ne savais pas que tu avais un nouveau blog, je l’ai découvert en répondant à ton commentaire laissé il y a une éternité sur mon blog (que je devrais remettre à jour prochainement…)
Je suis très impressionnée par tes photos en tout cas, elles sont magnifiques!!!
Comme quoi, il faut s’occuper un peu plus du tien ! Bon, je reconnais, je n’ai pas vraiment annoncé l’ouverture du mien, j’ai plutôt tendance à l’annoncer un peu au hasard, au détour d’une conversation, si ça s’y prête uniquement.
Merci, je suis contente que les photos te plaisent. Je vais essayer de continuer sur cette lancée !
Bonjour !
C’est avec grand plaisir que je découvre ton blog (Grace a ton commentaire sur mon blog) j’avais moi aussi adoré ce livre http://www.simaosavait.com/index.php?post/2009/08/26/La-fabrique-des-femmes%2C-de-Leslie-T.-Chang
Au passage, bravo pour la version iPad de ton blog, elle est géniale !
Ce livre a été effectivement une très belle découverte.
Quand à la version iPad, n’en possédant pas moi-même, j’ai entièrement fait confiance à WordPress. Je suis ravie de voir que le résultat est satisfaisant.