J’ai profité des dernières vacances non seulement pour voyager physiquement, mais aussi intellectuellement. J’ai ainsi dévoré les deux premiers épisodes d’une série de romans policiers, celle de l’inspecteur Shan, ex-inspecteur déchu, et envoyé dans les camps de travaux forcés du Tibet.
L’auteur, Eliot Pattison, est un juriste américain, ainsi qu’un économiste reconnu. Mais c’est aussi apparemment un grand baroudeur, qui a su s’inspirer de ses nombreux voyages pour écrire ses romans.
Voici un petit aperçu ci-dessous des deux que j’ai lu.
Dans la gorge du dragon
Quatrième de couverture :
Pour avoir mis trop d’obstination à résoudre une affaire impliquant un dirigeant du Parti communiste, Shan Tao Yun, ancien inspecteur chinois, endure l’épuisement, la faim et la peur depuis trois ans dans un camp de travaux forcés au Tibet. Après la découverte du corps décapité d’un Américain aux abords du camp, ses codétenus, des moines tibétains, refusent de reprendre le travail, au péril de leur vie. Sur ordre de l’abject colonel Tan et pour sauver ceux qui sont devenus ses amis, Shan accepte de mener l’enquête. Elle le conduira, envers et contre tous, jusque dans l’antre du dragon…
Ce roman m’a surpris, touché, interpellé. En effet, derrière une intrigue policière complexe et bien menée, ce roman est aussi l’occasion de découvrir tout un pan du Tibet qu’il est difficile pour nous de vraiment saisir. Ainsi, par exemple, je ne pensais pas qu’il existait encore aujourd’hui des camps de travaux forcés tels que décrits dans le livre (réaction de ma mère, chinoise, lorsque je lui en ai parlé : « mais ça fait longtemps que ça n’existe plus !), mais je crains que cela ne fasse parti des points sur lesquels on n’aura pas d’éclaircissements de si tôt.
Outre les aspects plus politiques, l’auteur fait preuve d’une grande connaissance de la culture tibétaine, et me plonge dans un monde troublant, empli de foi, de mysticisme et d’anciennes légendes qui refont surface. Heureusement que l’inspecteur Shan et là pour nous accompagner, découvrir et décrypter tout cela avec nous.
En bref, c’est un livre qui m’aura émerveillé, tenu en haleine tout du long, et fait réfléchir sur des aspects de la Chine que je ne connaîtrais probablement jamais.
Ce roman a reçu le prix Edgar Allan Poe du meilleur premier roman écrit par un américain, en 2000.
Le tueur du lac de pierre
Quatrième de couverture :
Après trois ans passés dans un camp de travaux forcés au Tibet, l’ancien inspecteur chinois, Shan Tao Yun, a trouvé refuge dans un monastère secret. À la demande de ses amis moines tibétains, il est contraint de quitter sa retraite afin d’élucider un double mystère : le meurtre d’une institutrice et la disparition d’un lama. Aidé du sage Gendun et de son vieil ami Lokesh, Shan devra faire vite car « la mort est en route » et ses nouvelles victimes sont des enfants… À la poursuite du tueur, leur enquête sera semée de dangers : le gouvernement les recherche et l’armée chinoise est partout, prête à les renvoyer dans l’enfer des camps.
Dans la même veine que le précédent roman, l’inspecteur Shan se retrouve à défendre les minorités opprimées, cette fois à la frontière du Tibet et du Xinjiang. Tous les commentaires que j’ai pu faire pour le précédent roman sont valables pour celui-ci aussi. Mais il m’a d’autant plus touché que je suis allée au Xinjiang cet été, et que j’ai donc pu mieux imaginer ce dont il parlait.
En tant que simple touriste occidentale, je n’ai évidemment pas pu voir ni rencontrer de rebelles. Mais j’ai tout de même pu observer une forte présence militaire ainsi que l’existence de nombreux check-points sur les routes, et remarquer que les quelques traditions nomades encore existantes ne sont là principalement que pour satisfaire les touristes. La lecture de ce livre m’a aussi fait repenser à un évènement survenu le dernier jour de mon séjour là-bas : j’ai croisé ce jour là deux fois plus de contrôles que lors du reste du séjour, et effectués notamment par des militaires en complète tenue anti-émeutes. Le soir-même, de retour à Shanghai, j’ai appris qu’un camion chargé d’explosifs avait explosé à Aksu. Serait-ce l’un des Maos (nom ironique par lequel s’appellent les rebelles) que côtoie l’inspecteur Shan dans ce roman ? Je n’en saurais probablement jamais rien. Après tout, ce ne sont que des romans, des histoires inventées, et tous les peuples sont unis sous un même ciel, et sur une même terre nourricière, comme le proclame entre autres une salle entière dans le musée d’Urumqi.